La découverte du feu a permis aux êtres humains de faire un des grands pas vers la prise de conscience des lois de la nature. Constitué de lumière et de chaleur dégagée lors de la réaction chimique appelée combustion, le feu a favorisé l’évolution des humains primitifs à partir du moment où ils ont appris à l’allumer et à le contrôler, en le nourrissant et en le protégeant pour qu’il ne soit pas éteint. Le terme feu vient du latin focus, qui était à l’origine destiné à être le foyer de la maison, placé dans l’atrium ou le hall et considéré comme un lieu sacré, le centre, le feu de la famille.
Origines préhistoriques et mythologie du feu
L'origine exacte de la maîtrise du feu par l'homme reste un sujet de débat parmi les archéologues et les anthropologues. Les plus anciennes traces incontestables de foyers contrôlés remontent à environ 400 000 ans, bien que certains chercheurs suggèrent une utilisation plus précoce. Cette découverte a marqué un tournant décisif dans l'évolution humaine, permettant à nos ancêtres de se protéger des prédateurs, de se réchauffer et d'améliorer leur alimentation.
En effet, il y a 2,7 à 1,5 millions d’années, nos plus lointains ancêtres nommés par les paléontologues Homo habilis vivaient en Afrique de l’Est dans les forêts bordant les cours d’eau. Ils ne connaissaient pas le feu. Les traces laissées par leurs activités sont des concentrations de pierres taillées utilisées pour découper la viande et d’os animaux provenant de carcasses d’animaux morts, qu’ils disputaient aux lions et aux hyènes. Ces sites semblent avoir été fréquentés épisodiquement pendant la journée, sur des périodes de 5 à 10 ans, avant d’être définitivement abandonnés. La nuit tombée, les branches des arbres offraient des refuges plus sûrs contre les fauves.
Dans de nombreuses cultures, le feu occupe une place centrale dans la mythologie. Chez les Grecs, Prométhée vole le feu aux dieux pour le donner aux hommes, acte symbolisant l'accès à la connaissance et à la civilisation. Dans la mythologie hindoue, Agni, le dieu du feu, joue un rôle crucial comme messager entre les hommes et les dieux. Ces récits témoignent de l'importance fondamentale accordée au feu dans le développement des sociétés humaines.
Le feu est le moteur de la civilisation, le catalyseur qui a propulsé l'humanité hors des ténèbres de la préhistoire vers la lumière du progrès.
La découverte du feu
Nous trouvons les plus anciennes preuves de l’utilisation du feu par l’homme, datant d’environ un million et demi d’années, dans divers sites archéologiques. En Afrique de l’Est, ils sont constitués de tessons d’argile qui, pour durcir, ont dû être chauffés à 400°C et le rougissement des sédiments dû au chauffage à 200-400°C. En Afrique australe, des pierres brûlées ont été trouvées au milieu d’outils en os présentant des traces de coups de couteau, des dépôts brûlés à l’intérieur de grottes, des plantes et des troncs carbonisés et des outils en bois probablement durcis par le feu.
L’allumage du feu par les hommes primitifs était possible en frottant l’un contre l’autre deux morceaux de bois qui, en s’échauffant par frottement, s’enflammaient ; ou en frottant l’un contre l’autre les pierres appelées silex, créant ainsi les étincelles qui furent, pour ainsi dire, le premier briquet naturel.
Un contrôle du feu primitif
Le contrôle du feu et de la lumière qu’il créait a entraîné des changements fondamentaux dans le comportement des hommes primitifs : il leur a permis de prolonger leurs activités quotidiennes au-delà de la durée des heures d’ensoleillement, de se défendre contre certains mammifères et insectes qui craignaient le feu, d’améliorer leur alimentation, en se nourrissant d’aliments cuits, plus digestes que les crus, et aussi d’élargir la variété des aliments.
La chaleur produite par le feu a permis à nos ancêtres de se réchauffer, leur permettant de vivre même dans des régions au climat froid, pouvant ainsi coloniser des endroits où ils n’auraient pas pu survivre sans une source de chaleur. Le feu leur a également permis d’améliorer leurs outils de chasse et leurs armes, car les lances en bois placées au-dessus de la flamme ont durci et sont ainsi devenues plus efficaces. Plus tard, le feu a permis le travail de l’or et de l’argent, et a rendu possible l’apparition de la métallurgie, du cuivre, de l’étain et du travail du fer.
Le feu au sein des premières religions et croyances
Le feu est un élément dont le symbole est entré dans les mythes et de nombreuses religions ou traditions culturelles. Associé à la vitalité, à la puissance et à la passion, le feu, selon la mythologie grecque, a été donné par Prométhée aux hommes après l’avoir pris aux dieux. Elle est également devenue l’un des symboles des Jeux olympiques : aujourd’hui encore, la flamme olympique, contenue dans le flambeau olympique, est portée par une course de relais jusqu’au brasero olympique de la ville qui accueille les Jeux, où la flamme brûle pendant toute la durée des compétitions olympiques.
Le feu est donc très utile, mais il est aussi dangereux en raison de son pouvoir dévastateur : les êtres humains, depuis l’Antiquité, ont essayé de trouver les moyens de contrer les effets destructeurs d’un incendie. Parmi les Juifs, les Grecs et les Romains, il y avait les figures des « gardiens du feu » qui, la nuit, donnaient l’alarme et les premiers secours en cas d’incendie.
Techniques primitives d'allumage : de la friction à la percussion
Au fil des millénaires, les humains ont développé diverses techniques pour produire du feu à volonté. Ces méthodes ingénieuses ont permis à nos ancêtres de s'affranchir de la dépendance aux feux naturels, ouvrant la voie à une utilisation plus systématique et contrôlée de cette ressource précieuse.
Méthode par friction : le foret à feu
La technique du foret à feu est l'une des plus anciennes méthodes d'allumage connues. Elle consiste à faire tourner rapidement un bâton dur (le foret) dans une planche de bois plus tendre (la planchette). La friction génère de la chaleur qui, combinée à la sciure produite, finit par créer une braise. Cette méthode demande de la patience et de la pratique, mais elle est efficace dans de nombreuses conditions environnementales.
Technique de percussion : silex et marcassite
La percussion de deux pierres dures, généralement du silex et de la marcassite (un sulfure de fer), produit des étincelles capables d'enflammer un amadou sec. Cette technique, plus rapide que la friction, nécessite cependant des matériaux spécifiques qui ne sont pas disponibles partout. Elle a été largement utilisée jusqu'à l'invention des allumettes modernes au 19e siècle.
Allumage par compression d'air : le piston à feu polynésien
Moins connue mais tout aussi ingénieuse, la technique du piston à feu repose sur le principe de la compression adiabatique. Un piston en bois est brusquement enfoncé dans un cylindre, comprimant l'air et générant une chaleur suffisante pour enflammer un morceau d'amadou placé au fond. Cette méthode, particulièrement répandue en Asie du Sud-Est et en Polynésie, illustre la diversité des approches développées par différentes cultures pour maîtriser le feu.
Lentilles et miroirs : focalisation solaire
L'utilisation de lentilles ou de miroirs concaves pour concentrer les rayons du soleil et allumer un feu est une technique plus récente dans l'histoire humaine. Bien que limitée aux journées ensoleillées, cette méthode a été utilisée dans certaines cultures anciennes, notamment en Chine et en Grèce antique. Elle préfigure les applications modernes de l'énergie solaire concentrée.
Évolution des combustibles à travers les âges
L'histoire du feu est intimement liée à celle des combustibles utilisés pour l'alimenter. Au fil des siècles, l'homme a exploité diverses sources d'énergie, passant des matériaux naturels facilement accessibles aux combustibles fossiles plus efficaces mais aussi plus polluants.
Bois et charbon de bois : combustibles fondamentaux
Le bois a longtemps été le combustible principal pour le chauffage et la cuisson. Sa disponibilité et sa relative facilité d'utilisation en ont fait la source d'énergie dominante pendant des millénaires. Le charbon de bois, obtenu par carbonisation du bois, offre une densité énergétique plus élevée et a joué un rôle crucial dans le développement de la métallurgie.
Tourbe et lignite : transition vers les énergies fossiles
La tourbe, formée par la décomposition partielle de végétaux en milieu humide, a été utilisée comme combustible dès l'Antiquité dans certaines régions. Le lignite, un charbon jeune, a ensuite marqué une étape intermédiaire vers l'utilisation massive du charbon minéral. Ces combustibles ont permis de répondre à une demande énergétique croissante, notamment au début de la révolution industrielle.
Pétrole et gaz naturel : révolution énergétique moderne
L'exploitation à grande échelle du pétrole et du gaz naturel à partir du 19e siècle a profondément transformé notre rapport au feu et à l'énergie. Ces combustibles fossiles, caractérisés par leur haute densité énergétique et leur facilité de transport, ont alimenté l'essor industriel et technologique des deux derniers siècles. Cependant, leur utilisation massive pose aujourd'hui d'importants défis environnementaux.
L'évolution des combustibles reflète notre quête incessante d'efficacité énergétique, mais aussi les défis écologiques auxquels nous sommes confrontés.
Maîtrise du feu dans l'industrie et la technologie
La domestication du feu a ouvert la voie à des applications industrielles et technologiques toujours plus sophistiquées. De la métallurgie primitive aux moteurs les plus avancés, le contrôle précis de la combustion a permis des avancées spectaculaires dans de nombreux domaines.
Métallurgie : du four de réduction au haut-fourneau
La métallurgie, art de transformer les minerais en métaux utilisables, illustre parfaitement l'évolution de notre maîtrise du feu. Les premiers fours de réduction, utilisés dès l'âge du bronze, ont progressivement cédé la place aux hauts-fourneaux capables d'atteindre des températures bien plus élevées. Cette évolution a permis la production de métaux plus purs et en plus grandes quantités, révolutionnant l'industrie et l'architecture.
Moteurs à combustion interne : principe de beau de rochas
Le moteur à combustion interne, basé sur le cycle de Beau de Rochas, représente une application sophistiquée du feu dans la technologie moderne. En contrôlant précisément l'explosion d'un mélange air-carburant dans un cylindre, ces moteurs ont transformé le transport et l'industrie. Leur développement continu vise à améliorer l'efficacité énergétique et à réduire les émissions polluantes.
Propulsion spatiale : moteurs-fusées à ergols liquides
Dans le domaine de l'exploration spatiale, les moteurs-fusées à ergols liquides poussent encore plus loin la maîtrise du feu. Ces engins exploitent la réaction chimique exothermique entre un combustible et un comburant pour générer une poussée colossale. La précision du contrôle de cette combustion à haute énergie est cruciale pour le succès des missions spatiales.
L’invention de l’extincteur
À partir de 1700, des équipements ont été mis au point qui consistaient en des pompes manuelles capables d’émettre des jets d’eau. En 1723, le chimiste Ambrose Godfrey a breveté le premier extincteur portable, qui consistait en un baril rempli d’eau auquel il ajoutait un récipient rempli de poudre à canon. Avec un système d’allumage, la poudre a explosé et a dispersé l’eau.
En 1813, le capitaine britannique George William Manby invente le premier extincteur automatique à jet : il s’agit d’un récipient en cuivre contenant environ 12 litres d’eau, du carbonate de potassium, pressurisé à l’aide d’air comprimé ; en ouvrant la vanne, l’air comprimé fait sortir l’eau.
Le triangle de feu
Le terme « triangle de feu » est utilisé pour représenter visuellement la réaction chimique de la combustion. Les trois éléments nécessaires à la combustion, et donc au feu, sont représentés sur les côtés du triangle : le combustible, c’est-à-dire la matière inflammable, l’agent de combustion, c’est-à-dire l’oxygène, et la source d’inflammation, c’est-à-dire la chaleur ou l'énergie. Si l’un des trois éléments venait à défaillir, la combustion n’aurait pas lieu ou, si elle était déjà en place, serait éteinte.
L’extincteur moderne
L’extincteur moderne est normalement de couleur rouge et se compose des éléments suivants : un réservoir, qui contient l’agent d’extinction ; un agent d’extinction, qui en contact avec le feu permet de l’éteindre ; un tuyau, qui permet de diriger l’agent d’extinction ; une valve, qui régule le débit de l’agent d’extinction ; un propulseur (gaz), qui permet d’expulser l’agent d’extinction ; la poignée, qui permet de manipuler facilement l’extincteur.
Agents d’extinction
L’agent d’extinction d’un extincteur est la substance utilisée pour éteindre un feu, ce qui peut être réalisé en refroidissant la température, en retirant le combustible ou en asphyxiant l’oxygène. Les principaux agents d’extinction sont : l’eau, la poudre (principalement du phosphate d’ammonium), la mousse (un composé d’eau et d’additifs) et le dioxyde de carbone.
Classement au feu
L’agent d’extinction contenu dans un extincteur sera efficace sur différents types d’incendies. Nous pouvons distinguer de classe A, provenant de combustibles solides, tels que le bois, le papier, les textiles ; de classe B, provenant de combustibles liquides, tels que l’alcool, les solvants, l’essence ; de classe C, causés par des combustibles gazeux, tels que l’hydrogène, le méthane, le propylène ; de classe D, générés par des métaux tels que le potassium, le sodium, le magnésium, le zinc ; de classe E, générés par des équipements électriques sous tension ; de classe F, générés par des huiles et des graisses.
Selon les traditions de la Grèce antique, le feu représente l’un des quatre éléments, avec l’air, l’eau et la terre, dont sont constitués toutes les choses et tous les êtres existant dans l’Univers, dans le microcosme et le macrocosme.
« Le feu a toujours été et, raisonnablement, restera toujours le plus terrible des éléments. » (Harry Houdini)
Pour conclure sur l'histoire du feu
La découverte et la maîtrise du feu est peut-être la découverte la plus extraordinaire de l’histoire de l’homme. Le foyer, au feu régulièrement entretenu, est en effet ce qu’il y a de plus important dans ce que l’on nomme l’espace domestique, ce lieu plus où moins permanent où l’on revient pour pratiquer diverses activités techniques, préparer à manger et dormir à l’abri du danger et des intempéries. Cela est si vrai que le terme « feu » au Moyen-âge, puis « foyer » aujourd’hui, sont utilisés pour désigner la famille.
Dans les foyers et autres lieux de vie
Cet espace regroupe un ou plusieurs homme(s), une ou plusieurs femme(s) et des enfants réunis par des liens sociaux forts, le plus souvent une famille plus ou moins nombreuse. On peut s’y adonner à différentes activités en toute sécurité, y étant protégé contre les intempéries, les bêtes sauvages et les ennemis. Il s’agit d’un lieu de sécurité. On y prépare et consomme les repas quotidiens.
La nourriture produite ou collectée par les divers membres de la communauté y est apportée et rassemblée pour y être préparée, partagée entre les différents membres de la petite communauté et consommée.
Cet espace domestique organisé autour d’un feu régulièrement entretenu n’a pas toujours existé. Nos ancêtres les plus lointains n’avaient pas d’espaces domestiques stables et devaient probablement dormir dans les arbres pour ne pas être dévorés par les fauves. Leur vie sociale était donc très différente de la nôtre.
Quand l'Homme était nomade
On identifie pourtant à quelque distance des lieux de vie des endroits particuliers où l’on a taillé des outils de pierres utilisés pour découper la viande et des lieux où l’on pouvait rassembler provisoirement les carcasses d’animaux trouvées dans la savane. Une nouvelle particularité des sites d’occupation principaux concerne par contre la présence éventuelle du feu.
Aucun vrai foyer contenant des charbons de bois n’a jamais été découvert à une époque aussi ancienne. Il est pourtant possible de déceler les traces d’un éventuel feu qui n’aurait pas laissé de traces charbonneuses en recourant à des tests géophysiques portant sur les transformations magnétiques des sols soumis à l’action d’une chaleur intense. Un site des rives du lac Turkana au Kenya daté de 1 million d’années, porte de telles traces, mais ces observations ont été contestées.
Nos ancêtres de cette époque ont peut-être observé que les lumières naturels allumés dans la brousse par la foudre faisaient fuir les animaux et que l’on pouvait récolter sur le sol des branches mortes enflammées après le passage d’un incendie. Il était alors possible de ramener ces brandons sur les lieux de vie pour se protéger des lions et des hyènes pendant la nuit. Si on pouvait peut-être entretenir les flammes en ajoutant du bois, il est probable qu’on ne savait pas alors produire le feu, ni le conserver sur de longues périodes.
Ces régions tropicales sont connues pour leurs pluies très violentes et il n’existait pas encore à cette époque d’abris construits étanches. Cette absence de peur devant les flammes est quelque chose de nouveau dans l’évolution des mammifères, dont fait partie l’homme.